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Roy Lichtenstein ou L’appropriation par le Pop Art 

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In 1961 Lichtenstein painted Look Mickey, based on an image from one of his children’s Little Golden Books. It featured his signature Ben-Day dots. (Photo: Centre Pompidou)

Roy Lichtenstein, pionnier du pop art 

 

Roy Lichtenstein (1923-1997) note 2 est un artiste Américain qui a défini les prémices du Pop Art, NOTE 3 Il a commencé sa carrière en s’inspirant des œuvres de Picasso ainsi que de sa philosophie de liberté d’expression la plus poussée. Roy Lichtenstein a développé des techniques qui ne s’inscrivent pas dans les caractéristiques traditionnelles du grand art. Par exemple on reconnaît sa patte à travers les points Ben-Day (nommés d’après leur inventeur, Benjamin Day). 

 

Après avoir cherché jusqu’à ses 29 ans son style, alternant entre cubisme, impressionnisme, expressionnisme abstrait (Jackson Pollock), il a enfin trouvé sa marque de fabrique dans la reproduction humoristique d’images et de symboles américains. 

 

Le Pop Art a vu le jour en Angleterre au milieu du vingtième siècle avec des racines dans le consumérisme américain. Il se caractérise par un mélange des beaux-arts et de la culture populaire illustrée dans les objets de consommation courante, la publicité, la télévision, les bandes dessinées. C’est dans ces dessins dépourvus de toute prétention artistique que Roy Lichtenstein a trouvé son style. Son premier tableau s’inscrivant dans ce nouveau courant artistique fut « Look Mickey ! », son fils lui ayant lancé le défi de reproduire ce dessin. Roy Lichtenstein prit beaucoup de plaisir à représenter ces personnages, bien que dépourvus d’intérêts pour l’histoire de l’art, ils sont caractéristiques de la société d’après-guerre. Par suite d’une forte inspiration tirée des bandes dessinées pendant trois ans, l’artiste s’est concentré sur ses modèles ayant fait l’histoire de l’Art telles que Matisse, Fernand Léger, Mondrian ou Picasso. Reproduisant leurs œuvres à sa manière, jusqu’à la découverte d’un nouveau médium par l’artiste : la sculpture. En tout, 4.500 peintures et sculptures ont été signées de sa main NOTE 4

Le travail controversé de Roy Lichtenstein

Tout comme Marcel Duchamp, Roy Lichtenstein a été critiqué de ne pas produire d’œuvres
originales mais d’en plagier des préexistantes. Le 9 avril 2023, le journal The Guardian NOTE 5
publiait un article sur Roy Lichtenstein concernant de nouvelles allégations de plagiat. Roy
Lichtenstein s’inspire de manière évidente de bandes dessinées préexistantes qu’il
modifie par la suite. Hy Eisman (auteur américain de bandes dessinées) considère que le
terme d’inspiration n’est pas assez puissant et préconise l’emploi du terme de « vol » ou
comme les journalistes préfèrent, de « copie ». Roy Lichtenstein n’a jamais caché cette
inspiration tirée de bandes dessinées préexistantes NOTE 6 mais il aurait semblé de bon sens de demander l’accord des dessinateurs. Malheureusement, il ne s’est pas limité à quelques
tableaux mais à plus de trois cents comme l’a constaté David Barsalou “Je pensais qu’il n’y
avait que quatre, cinq ou six peintures qui se rapprochaient des originaux. Mais il est difficile
de décrire le sentiment qui m’habitait au fur et à mesure que j’en découvrais d’autres au fur
et à mesure des années, ces images étaient des copies directes » NOTE 7 .
Par exemple, l’œuvre « Whaam ! » réalisée en 1963 et exposée à la Tate Modern à Londres,
est tirée d’un dessin d’une connaissance de R. Lichtenstein, Irv Novick. L’artiste aurait
modifié l’image de nombreuses manières ; en supprimant des éléments, en variant les
couleurs, en modifiant le médium utilisé ainsi que la taille de l’œuvre. Le Cartel à côté de
l’œuvre exposée au Tate Modern indique « Whaam ! est fondé sur une image publiée en
1962 dans la bande dessinée DC, All American Men of War (…) ». Aucune mention alors du
dessinateur original, Irv Novick  NOTE 8

 

“I continue to be astonished that people in the ‘60s thought – as some still do – that there is
no difference between Lichtenstein’s source image and the finished painting,” NOTE 9
“Perhaps the immediate impact of Whaam! makes some viewers equate instantaneity with
superficiality, as if there is nothing more to the work than what can be taken in at a glance. In fact, though, its very boldness is an ingredient of its complexity.” NOTE 10

L’article de The Guardian met en lumière non pas la copie mais le vol d’œuvres d’autres
artistes par R. Lichenstein. Selon Hy Eisman, son travail de création de bandes-dessinées a
été volé par Lichtenstein qui l’a ensuite vendu 20 millions de dollars. « Si ce n’était pas si
tragique, cela en serait drôle » dit-il. Les artistes plagiés vivent dans l’ombre et dans la
misère tandis que Roy Lichtenstein s’attribue leur mérite grâce à ses copies (« Masterpiece »
ayant été vendu 165 millions de dollars). Russ Health, artiste dont s’est inspiré Roy
Lichtenstein est décédé dans la pauvreté, alors qu’il dépendait des collectes de dons
alimentaires.
Face aux critiques, Roy Lichtenstein répondait « La gamme de couleurs que j'utilise est
parfaite pour l'idée, qui a toujours été celle de la vulgarisation ». Les points Ben-Day, eux
aussi, étaient censés suggérer la fabrication et la simulation : Les points sont utilisés pour rendre l'image ersatz. Et je pense que les points peuvent aussi signifier la transmission de
données ,L'œuvre est censée ressembler à un faux, et je pense qu'elle y parvient,
explique-t-il. Roy Lichtenstein ajoute "The things that I have apparently parodied I actually
admire".

Violation de droit d’auteur ou appropriation créative ?

Bradford. R. Collins (rédacteur du livre Pop Art et professeur de l’université de Caroline du
Sud) défend Roy Lichtenstein en arguant qu’il ne s’agit non pas de plagiat mais
d’appropriation, avec le plagiat on vole l’œuvre d’un tiers en l’utilisant dans le même
contexte que lui, avec l’appropriation, on s’inspire d’une œuvre préexistante et on la
réutilise dans un objectif différent. Or, en l’espèce, Roy Lichtenstein, s’est approprié les
planches en les réutilisant dans un but différent, transformant alors une image de bande
dessinée en peinture. Il s’est donc approprié le dessin et en a créé un mouvement artistique
encore inexistant sur le marché.
L’appropriation apparaît dans les années 1950 aux Etats-Unis NOTE 11 , et dans certains cas elle est légale. Ce concept désigne alors « l’emprunt, la copie ou la modification intentionnelle
d’images et d’objets préexistants ». L’appropriation est un type de plagiat qui s’applique aux
œuvres d’art, c’est une pratique artistique consistant à la transformation empreinte de
vision de l’auteur sur une œuvre préexistante. Autrement dit, l’artiste prend volontairement
l’œuvre d’un autre artiste et la modifie ensuite selon sa vision personnelle NOTE 12 . Roy Lichtenstein n’est pas le seul artiste à se livrer à l’appropriation, on peut à cet égard citer
Richard Prince, Jeff Koons, Andy Warhol ou Elaine Sturtevant. Ces artistes ayant fait couler
beaucoup d’encres à propos de leur démarche artistique.
Andy Warhol (1928-1987) s’est attribué le travail d’autres artistes à travers ce mécanisme
d’appropriation, le tableau « Campbell’s soup » est tiré de la marque Campbell’s. L’artiste a
pris cette image de marque et l’a incorporée dans son travail en créant quelque chose de
nouveau et d’unique.
Elaine Sturtevant (1930-2014), reproduit à l’identique des œuvres de ses contemporains et
avec des médiums similaires, contrairement à Roy Lichtenstein qui transforme les planches
de bande dessinées en peinture. Elle est considérée comme l’inspiratrice du mouvement
« appropriationniste ». Sa démarche consiste à reproduire en multiples exemplaires les
œuvres et pour cela on lui reprochera de plagier et d’être une imitatrice. Mais, Bernard
Blistène, directeur du musée national d'Art moderne au centre Pompidou, dit à son propos
: « C'est une iconoclaste, au sens premier du mot. Elle veut supprimer le culte des images
saintes. Elle s'attaque à l'idée d'originalité. Elle ne recopie pas, elle rejoue des choses qui
s'apparentent d'avantage à des situations.» NOTE 13 Sa démarche appropriationniste est acceptée par le monde de l’art est même récompensée par la remise du Lion d’Or à la Biennale de Venise en 2011 NOTE 14  NOTE 15 NOTE 16

Les artistes s’inspirent d’autres artistes tout au long de leurs carrières, cela est nécessaire
dès la phase d’apprentissage. Cependant il existe un faible pont à ne pas franchir entre la
violation du droit d’auteur par l’imitation et l’appropriation créative.
L’appropriation étant née dans les années 1950 aux Etats-Unis, le copyright américain
comporte des exceptions de « fair use » en fonction de différents aspects. L’artiste
s’inspirant d’un autre portera atteinte ou non à son droit d’auteur en fonction de l’usage
commercial de son œuvre, de la nature du travail, de la quantité de l’œuvre utilisée ainsi
que des effets sur le marché.
En droit français, l’appropriation consiste en une atteinte au droit d’auteur, l’article L 111-1
du Code de la propriété intellectuelle spécifiant que l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit
sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et
opposable à tous. Tout comme en copyright américain il existe des exceptions tel que la
parodie (article L 122-5 du Code de la propriété intellectuelle), la création d’œuvres dérivées ou composites (article L 113-4 du Code de la propriété intellectuelle) et la liberté d’expression.


Le principe a été établi par le Tribunal de Grande instance de Paris le 8 novembre 2018 (TGI
Paris, 8 novembre 2018, RG n°15/02536 confirmé par la Cour d’Appel, Pôle 5, ch1, 23 février
2021, n° 19/0959). Il rappelle que toute reproduction ou représentation d’une œuvre
originale sans l’autorisation de son auteur constitue un acte de contrefaçon. En l’espèce il
s’agissait une affaire opposant l’artiste Jeff Koons et la marque Naf-Naf. Une photographie
réalisée par le directeur artistique de la marque a été reprise à l’identique par Jeff Koons
sous la forme d’une sculpture. Les juges ont considéré qu’un acte de création, quel qu’il soit
et peu importe le courant artistique auquel il appartient, peut porter atteinte à des droits
antérieurs NOTE 17 . La reproduction d’une photographie par le biais de la sculpture n’est donc  pas un élément convaincant pour écarter la contrefaçon. La Cour d’appel rappelant que la contrefaçon s’apprécie en fonction des ressemblances et qu’en l’espèce la sculpture
reprend la combinaison des caractéristiques originales de la photographie (l’élément
d’originalité de l’œuvre initiale étant un élément primordial à démontrer).

En tant qu’artiste, si vous souhaitez vous approprier l’œuvre d’un tiers, sachez que cette
technique est généralement tolérée mais qu’il est préférable de demander l’autorisation de
l’auteur. Dans le cas où cette éventualité ne serait pas envisageable, soyez certain que
l’œuvre originale est réellement modifiée afin de ne pas tomber dans l’œuvre dérivée, dans
le plagiat, le vol ou la contrefaçon pouvant donner lieu à des dommages-intérêts importants
(CA Paris, 17 décembre 2019, Pôle 5, ch1, n° 17/09695, autre condamnation de Jeff Koons
pour contrefaçon).

Albane KORB
Étudiante au sein du Master 2 Droit et fiscalité du marché de l’Art
Et du Diplôme Universitaire professionnels du marché de l’Art
Université Lyon III

 

 

[1] In 1961 Lichtenstein painted Look Mickey, based on an image from one of his children’s Little Golden Books. It featured his signature Ben-Day dots. (Photo: Centre Pompidou) – En 1961, Roy Lichtenstein a peint « Look Mickey ! » en s’inspirant d’une image provenant de son livre d’enfance « Little Golden Books . on retrouve ici sa signature illustrée par les points Ben-day.

[1] ArtLex – Art Dictionnary- Roy Lichtenstein – Biographie et œuvres de l’artiste pop art - https://www.artlex.com/fr/artistes/roy-lichtenstein/

[1] TATE- Roy Lichtenstein Biography

[1] Pop Art by Roy Lichtenstein – Best Documentary – 2nd December 2020 – Youtube

NOTE 5 https://www.theguardian.com/artanddesign/2023/apr/09/new-allegations-of-plagiarism-against-roy-lichtenstein
NOTE 6 https://www.theguardian.com/artanddesign/2013/feb/23/roy-lichtenstein-heresy-to-visionary)
NOTE 7 «I thought, maybe there’s only four, five or six paintings that he did close to the originals. But it was hard to describe my feelings as I started discovering more and more over the years that his images were like just direct copies » ;
NOTE 8 Roy Lichtenstein 1923-1997- Whaam! 1963 – Tate Modern Museum

NOTE 9 Richard Morphet, historien d’Art. « Je continue à m'étonner que les gens des années 60 aient pensé - comme certains le font encore - ";il n'y a pas de différence entre l'image source de Lichtenstein et le tableau achevé";.
L'impact immédiat de Whaam ! incite peut-être certains spectateurs à assimiler l'instantanéité à la superficialité, comme s'il n y avait rien de plus dans l'œuvre que ce que l'on peut en saisir d'un seul coup d'œil. En fait, son audace même est un ingrédient de sa complexité";

NOTE 10 Richard Morphet, Historien d’Art, https://www.bbc.com/culture/article/20130717-pop-artist-or-copy-cat
NOTE 11 https://www.legalzoom.com/articles/appropriating-copyrighted-works-when-is-it-
legal#:~:text=When%20an%20artist%20uses%20a,by%20Brette%20Sember%2C%20J.D.&text=Appropriation%20of%20a%20copyright%20i
s,to%20a%20work%20of%20art.
NOTE 12 http://www.cabinetbouchara.com/P-399-2-A1-l-appropriation-creation-originale-ou-atteinte-au-droit-d-auteur.html#:~:text=L'appropriation renvoie ainsi à,leur vision de leur empreinte

NOTE 13 https://www.liberation.fr/arts/2014/05/12/elaine-sturtevant-fin-de-la-repetition_1015850/
NOTE 14 https://artdesigntendance.com/art-contemporain/richard-prince/
NOTE 15 « Warhol Diptych, 1973-2004 »- Strurtevant- Photo galerie Thaddaeus Ropas, Paris Salzburg
NOTE 16 Elaine Sturtevant, Duchamp Man Ray Portrait, 1966, photographie, 21 x 20 cm, collection particulière

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