
2025 - Droit des successions – Testament international, faut-il un interprète ?
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Le 17 janvier 2025, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation a rendu un arrêt important en matière de droit des successions.
L’affaire débute en 2002, lorsqu’une femme de nationalité italienne rédige un testament censé refléter ses dernières volontés. Celle-ci décide de faire rédiger l’acte en français, par un notaire français, tout en étant assistée d’une interprète italienne afin de pallier son incompréhension de la langue. Or, à cette date, la loi française du 29 avril 1994 encadrant les dispositions relatives à la rédaction d’un testament est silencieuse quant à l’intervention d’un interprète.
Ce n’est que la loi nationale du 16 février 2015 qui modifie l’article 972 alinéa 4 du code civil et assouplit le formalisme autour de cet acte, autorisant l’usage d’un interprète choisi sur la liste nationale des experts pour la rédaction des testaments, uniquement authentiques.
Le 28 février 2015, la femme décède, le testament est alors ouvert. Seules trois de ses filles héritent de ses biens. Dès lors, son petit-fils, héritier par représentation de sa mère, quatrième fille décédée en 1994, conteste l’acte, invoquant l’incompréhension linguistique de sa grand-mère. Son fils, lui, n’intervient pas dans l’affaire.
Naît alors un véritable débat jurisprudentiel autour de la validité d’un testament international dont la rédaction a nécessité l’intervention d’un interprète.
Le 16 juin 2020, la Cour d’appel de Grenoble estime que le testament est valable en tant que testament international, bien que nul comme testament authentique. Les juges s’appuient sur la Convention de Washington de 1973, qui autorise la rédaction d’un testament international dans n’importe quelle langue, même non comprise par le testateur.
Le petit-fils se pourvoit en cassation au motif que le testament, rédigé sans interprète assermenté, ne garantit pas la volonté libre et éclairée de la testatrice. Si en 2022 la première chambre civile de la cour de cassation donne raison à ce dernier, en 2023, la cour d’appel de Lyon valide à nouveau le testament, arguant qu’aucune règle n’impose que le testateur comprenne la langue utilisée.
Un deuxième pourvoi est formé, l’Assemblée plénière est alors saisie. En 2025, elle censure l’arrêt de Lyon, rappelant que la Convention de Washington renvoie aux lois nationales pour encadrer l’intervention des interprètes.
L’affaire est alors renvoyée devant la cour d’appel de Chambéry qui jugera prochainement.
Le débat repose donc sur la compatibilité entre la liberté linguistique du testament international et le silence du droit national sur l’intervention d’un interprète. En l’absence de dispositions claires en 2002, la sincérité de la volonté de la testatrice est remise en cause par le petit-fils, dont la contestation suspend la succession depuis plus de dix ans déjà.
Paula OSSET,
Etudiante en Licence en droit international et européen, Université catholique de Lille, Lille
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